mardi 23 décembre 2008

Deuil de la mère...


Je me lève, je vois ma mère à la table, elle ne cuisine pas, elle pleure. Ses larmes tombent sur les deux sacs de vidanges qui reposent à ses pieds.
- Pourquoi tu pleures maman?
- Je m'en vais, je suis pu capable.
- Pars pas maman, je t'aime. Je pleure à mon tour.

Elle ne partira pas cette fois là, ni l'autre après. C'était la valse des sacs vert qui s'engageait.
J'avais 9 ans lorsqu'elle est parti sans me dire au revoir. Ca devait etre plus facile pour elle. Trois années sans l'a voir, sans avoir de ses nouvelles. Elle était aux USA avec un mec pas comique du tout. C'est ma grande soeur qui me l'a dit.

Je jouais dehors avec des amis lorsqu'elle m'est réapparue. J'étais content, trois ans c'est long mais une distance c'était installée en moi. Je ne sais si c'est une insensibilité liée à ma blessure, je ne sais pas. Ca faisait irréel de la voir là sur le trottoir. On devient sauvage un peu avec ce genre de truc.
- Hey les gars, c'est ma mère.

Elle a tenté un retour à la maison mais c'était l'enfer. Chicanes et beuveries.
Elle sortait et revenait ivre. Un soir, tard la nuit, je l'attendais. La voilà, elle doit descendre l'entrée de garage pour entrer par le sous-sol. Je lui ouvre la porte, elle passe tout droit pour s'écraser dans les marches. Elle pleure des larmes éthyliques et marmonne des trucs incompréhensibles en bavant son alccol, un peu comme je faisais des bulles avec ma salive lorsque j'étais enfant. Mais elle ne semblait pas s'amuser. Je l'aide à monter l'escalier pour l'amener à sa chambre.

Son séjour fut relativement bref. Le dernier soir, mon père pointait un fusil sur elle.
- Vas-y tire mon osti, disait-elle le dos au mur piégée comme une rate.
- Non, tire pas papa, non.

Il n'a pas tiré, à mon réveil, elle n'était plus là et n'est jamais revenu.

Des années d'alcool, de pauvreté, des relations amoureuses avec des hommes minables l'ont usée. Son mode de vie nous usait aussi.

Son décès ne m'a pas affecté, le détachement était déjà fait, le deuil était déjà amorcé.
Il s'est fait petit à petit, à force de lui demander de redevenir mère sans qu'elle y arrive , j'ai fini par y renoncer.

Elle a vécu une vie tellement dure qu'elle a du se détacher d'elle pour survivre. En se détachant ainsi d'elle-meme, elle ne pouvait s'attacher sainement à d'autres, meme pas à ses enfants.

Je ne sais pas si le salaud, lorsqu'il abusait d'elle, savait qu'en se comportant ainsi, il scrappait non seulement la vie de cet enfant mais aussi celle des enfants qu'elle aurait plus tard? Méchant grand-père.

J'ai quand meme réussi à lui témoigner de la tendresse, à la prendre dans mes bras pour lui dire je t'aime. Mais je ne serrais pas une mère, j'enlacais une personne fragile en besoin d'amour. Le deuil de ma mère me permettait cet élan de générosité envers elle. En fait je serrais dans mes bras cette petite fille qui n'avait pas eu beaucoup de témoignage d'amour.

Ainsi se termine mon marathon au sujet de ma mère. J'en ai parlé très peu dans ma vie, le fait d'etre un gars, un père m'orientait davantage sur ma relation au père. Faut dire aussi qu'il fut beaucoup plus présent. Les familles monoparentales ayant un homme comme chef de famille était plutot rare à la fin des années 60. C'est ca qui est ca, je poursuis mes reflexions...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Et moi je te suis...

Anonyme a dit…

Il en faut du courage pour écrire ces mots.

Sandrine Boréale a dit…

Ouf.
Des perles de vérités, des perles dures, des perles d'un grand courageux.
J't'admire.