mardi 18 août 2009

Subtile exclusion...


Autre journée de canicule aujourd'hui.
Debout devant la SAQ j'ai vite passé au travers de ma bouteille d'eau de 750 ml.
Je quitte ma place, au risque de la perdre au main d'un Latino toxicomane qui me dispute ce territoire, pour aller au Van Houtte au coin de la rue pour un remplissage, la jeune femme accepte.

Je retrouve ma place toujours libre. Je regarde quelques vieilles personnes qui avancent péniblement, le mot chaleur accablante est bien choisi. L'une d'elle titube, elle risque de s'écrouler à tout moment. C'est fou comment la météo fait des victimes. Un orage, allez hop, 3 morts, une canicule, je ne sais combien encore, les journaux en parleront surement demain ou après demain.

45 minutes plus tard, j'ai les poches qui se remplissent un peu, trop peu, la canicule rend les gens avares de leurs énergies, mais ma bouteille est vide et ma gorge sèche.
Je retourne au Van Houtte, je ne veux pas déranger la dame encore une fois alors je me rend au toilette, la porte est barrée, je me présente donc au comptoir.
Moi - Est-ce que vous pourriez me donner de l'eau pour une dernière fois?
Elle - Non, allez ailleurs, il y a café de l'autre côté de la rue.
Moi - Est-ce que je peux avoir la clé des toilettes, je vais la remplir moi même avec l'eau du bol de toilette? (je blague, j'ai plutôt dit, le lavabo)
Elle - Non, les toilettes sont pour les clients.
Moi - Ok, merci.

Alors je ravale ma salive presqu'absente et sors pour traverser la rue en me demandant quel accueil on me réservera. J'entre dans le café, me dirige vers les toilettes pour un remplissage mais l'avis sur la porte me dit que ça me prend la clé. Je me présente donc au comptoir. Le gars accepte, je le remercie et regagne mon coin encore libre.

Mais après plus de 2 litres d'eau, et malgré la chaleur, j'ai envie. Il n'est pas question d'aller au café. Je quitte à nouveau mon spot, emprunte la première ruelle et me trouve un coin un peu discret pour pisser.

Un policier à vélo passe et m'interpelle. Il me contrôle, encore une fois, et me donne une contravention de 100$ pour avoir pissé à la ruelle.

Je ne pourrai payer ça, ma contravention risque d'augmenter, je ne sais pas ou cela va me mener. Enfin, je retourne à la SAQ, le Latino est là. Je ne vais pas m'obstiner avec lui. Alors je rentre chez moi, dépose la contravention sur ma table en me disant putain de vache.

La marginalisation et la force d'exclusion sont très subtiles tout en étant efficace.
Quand tu vis des trucs du genre tu sais organiquement que le discours des gens c'est de la merde. Je sais ça depuis que je suis tout jeune et la vie ne cesse de me le confirmer. Alors les paroles, paroles et paroles...

L'un écrit sur son blogue, combattons la pauvreté, vivre l'équité mais lorsqu'il prend son café, il ne veut pas être dérangé préférant baigner dans une belle ambiance feutrée. La pauvreté on ne veut pas en être témoin et encore moins victime, on veut juste se donner l'illusion qu'on contribue à la combattre pour boire son café latté l'âme en paix et donner quelques sous pour qu'on se charge de la garder loin de nous.

Pas d'accès à l'eau même en grand jour de canicule, mais il y aussi pas d'accès à la chaleur en grand jour de froid et on se dit peiné de lire ou d'entendre qu'un sans-abris est mort gelé. Deux par semaine à Toronto en hiver.

Pourtant, tout les lieux ou il y a de la chaleur leurs sont interdits.

Vous avez des doutes quant au désir des gens d'éviter d'être en contact avec la misère?
Je vous raconte, juste aujourd'hui....
Plusieurs personnes me voyant, traversent la rue pour m'éviter et un peu plus loin retraversent. Au moins 5 personnes ont quitté le trottoir pour la rue, longeant les voitures stationnées pour regagner le trottoir ensuite une fois qu'ils m'ont passé. Le plus drôle sont ceux qui s'enfargent dans les craques de trottoirs en me passant, curieusement ça arrive très souvent.
Et il y a ceux qui font la tortue, dès qu'ils m'apercoivent il se rentre la tête dans leur carapace et la ressorte une fois passé.

Ça ne me frustre pas, je comprend très bien. Qui aime allez visiter les soins palliatifs, il est plus facile de donner pour contrer le cancer.

9 commentaires:

Drew a dit…

T'es devenu squeegee toi là?

Michel a dit…

Tu savais pas que je quêtais parfois?

Drew a dit…

Tu savais pas que je te lis depuis peu?

urielle a dit…

Je connais cette réalité, comme historienne et comme personne.... difficile et triste.

Mais je ne suis pas certaine de bien comprendre, tu parles de toi ou tu écris une métaphore sur un mendiant ?

Pas que je sois contre le fait que tu mendies, mais quand on a les ressources intellectuelles évidentes que tu possèdes n'y a-t-il pas d'autres ressources ?

Michel a dit…

@Urielle..
Il m'arrive de mendier mais ce billet, bien qu'il ne contienne que des éléments réels, est un assemblage de fait disparates pour en faire une histoire pour illustrer le propos de l'exclusion.

Sallinger a dit…

J'aimerais bien comprendre pourquoi tu le fais.

Michel a dit…

@L'intruse...
Qui porte bien son nick ;-).
J'ai décidé d'en parler ici parce que le trottoir fait partie de ma réalité et me permet d'y faire plein d'expériences et d'observations sur la nature humaine.
Ainsi aujourd'hui, j'ai eu un flash. Ces trucs machin ville au USA, barricadé avec leur propre police pour se couper de la pauvreté n'est pas si loin de nous.

Mais bon je pourrais en parler pendant des heures mais concernant ta question, elle entre dans une zone que je nomme la gène que je me réserve. Donc je n'y répondrai pas. :-) Dommage n'est-ce pas chère Intruse?

Sallinger a dit…

La curiosité est un art. La connaissance me passionne beaucoup plus.

Mais jamais je n'insiste. Je suis curieuse, mais j'aime m'épanouir de cette curiosité quand les gens me nourrissent. La vie privée doit le demeurer, partagée elle ne l'est plus.

;)

Sallinger a dit…

La question me brûlait quand même!